Il était une fois, dans les Terres de la Grande Montagne, un clan de dragons dont les individus avaient mangé tous les moutons qui se trouvaient sur leur territoire. Affamés, ils devaient sans tarder trouver une région où le gibier serait abondant afin d’en faire leur nouveau terrain de chasse. Guidés par Sarrgt, un noble dragon vieux de plusieurs centaines d’années, ils se dirigèrent vers le petit village de Valmoulu. Un village habité par des Sorciers. Les dragons mangent des sorciers et les sorciers ont peur des dragons. En tous cas, les sorciers de Valmoulu n’avaient aucun moyen de se défendre. Ils préféraient passer leurs journées à boire du jus de fraises et à jouer de la musique plutôt qu’à élaborer des sortilèges d’attaque ou de défense. Leur magie leur servait principalement à faire le ménage, la vaisselle, la cuisine, et le jus de fraise. Beaucoup de jus de fraise. Mais la Magie prend soin de ses Sorciers, et elle ne pouvait pas se résoudre à les laisser se faire manger par les dragons. Elle décida alors, grâce à un habile stratagème, de piéger les nobles créatures. Son piège fonctionna à merveille et les Dragons furent obligés de quitter Valmoulu et les Terres de la Grande Montagne. Une jeune dragonne fut toutefois empoisonnée à cause du piège et la Magie se refusait à la laisser mourir. La jeune dragonne avait des écailles vert émeraude aux magnifiques reflets dorés, mais à cause du poison elle était devenue toute blanche. La Magie décida alors d’accueillir la pauvre au sein de la Grande Montagne afin de la soigner. L’accord passé entre la Magie et les dragons était clair : lorsque Ghliett serait rétablie, elle serait libre de rejoindre son clan. Les années passèrent et la jeune dragonne reprit des forces. Le poison quitta lentement son organisme, et sous l’effet de la magie dont était gorgée la Grande Montagne, Ghliett grandit beaucoup et très rapidement. Ses écailles avaient pris une magnifique teinte argentée qui lui donnait beaucoup d’allure. Un beau jour, la Magie s’adressa à la dragonne : — Ma chère Ghliett, j’ai rempli ma part du contrat. Tu es désormais complètement guérie et si je t’ai accueillie au sein de ma Grande Montagne, tu es libre de retourner chez les tiens. La dragonne demeura bouche bée. Elle avait été persuadée durant toutes ces années que la Magie la garderait captive et qu’elle ne tiendrait pas sa parole. Elle s’était trompée ! Elle lui répondit d’une voix étranglée : — Noble Magie toute-puissante, je suis heureuse que tu aies honoré ta parole. Cependant, ta gentillesse et ta sollicitude constantes durant ces années m’ont émue et je désire t’offrir quelque chose en retour. — Ta volonté t’honore Noble Dragonne, et j’accepterai ton cadeau avec plaisir. — Tu m’as un jour dit que la Grande Montagne était ton foyer, ton lieu sacré. Cependant, n’importe qui peut y pénétrer, et c’est d’ailleurs arrivé de nombreuses fois ces dernières années. Il manque un Dragon pour protéger ta Demeure. Si tu l’acceptes, je resterai auprès de toi. Je ferai des tornades, des tempêtes et des orages pour te protéger des incursions mal intentionnées. J’élirai domicile au sommet de ta Grande Montagne et ne te dérangerai sous aucun prétexte. La Magie ne répondit pas immédiatement. Elle était déstabilisée et émue par la déclaration de la dragonne. — Noble Dragon d’Argent, je suis infiniment touchée par ta proposition, lui répondit-elle. J’accepte avec joie de partager ma Grande Montagne avec toi. Tu demeures libre cependant, libre de partir quand tu le désires sans avoir de comptes à me rendre, libre de revenir ensuite si tu le souhaites. Ghliett se mit à ronronner – un ronronnement de dragon ressemble à peu de choses près à un rugissement de lion. Nimbée d’une douce chaleur d’amour et de félicité, la Grande Montagne vibra elle aussi. Une vibration sourde et douce. La Grande Montagne ronronnait également.
Depuis ce jour, la Grande Montagne, le coeur de la Magie, est protégée par un magnifique Dragon d’Argent, qui déclenche des bourrasques de vent, des tempêtes et des orages lorsque l’on tente de s’en approcher de trop près.